Début mai 2016, Aline, Line, Zoé et Marlies se sont rendues au nord du Bénin pour rencontrer leurs sœurs béninoises impliquées dans le projet ‘Girl Power’ de Plan. Un projet que les quatre jeunes Belges soutiennent en participant au Fisherman’s Friend StrongmanRun le 29 mai en Belgique. Chaque semaine, Marlies reviendra sur ce périple béninois et sur ce qu’il a apporté à chacune, en Belgique comme là-bas. Cette semaine, elle raconte l’histoire d’Edith, une mère adolescente. Récit.
Pendant notre visite au Bénin, j’ai rencontré Edith, une jeune fille de 16 ans. J’ai décidé de lui consacrer un article entier, car son histoire est bien trop importante pour ne pas lui accorder l’attention qu’elle mérite.
Les parents d’Edith vendent du millet et du sorgho au marché local. Ils ne sont jamais allés à l’école et ne savent ni lire ni écrire. Heureusement, Edith a la chance d’être scolarisée. Ses matières préférées sont l’histoire, la géographie et la biologie.
Mais Edith n’est pas une simple écolière. Il y a deux ans et quatre mois, le jour de la Saint-Valentin, elle a mis au monde un petit garçon, qu’elle a appelé… Valentin. Edith n’avait donc que 14 ans lorsqu’elle a accouché. Elle était encore elle-même une enfant lorsqu’elle est devenue maman. Edith est très timide. Elle parle tout bas et cache souvent son visage derrière ses mains. Elle cache même son rire. Cela me chagrine, car personne ne devrait dissimuler un rire comme le sien.
Élever seule son enfant à 14 ans
Edith ne parle pas français. Un interprète est donc présent pour nous raconter son histoire.
Je voyais régulièrement un enseignant de 23 ans. Après quelque temps, j’ai perdu l’appétit. Lorsque j’ai remarqué que je n’avais pas eu mes règles, j’ai su que quelque chose n’allait pas. Lorsque j’en ai parlé à ma mère, elle a éclaté en sanglots. Elle est allée parler avec l'enseignant pour lui annoncer la nouvelle et pour lui dire que nous devions emménager ensemble. Il m’a suppliée d’avorter, mais ma mère s’est mise en colère et a refusé.
Edith a gardé son fils, mais ses parents ont refusé toute responsabilité, car ils estimaient que c’était le rôle du père. Je suis choquée d’apprendre qu’une fille de 14 ans a dû se débrouiller toute seule. Interloquée, je continue d’écouter son histoire. Même ses beaux-parents ne sont pas intéressés par leur propre petit-fils. La cohabitation avec le père de Valentin a également été un échec. Pendant un an, Edith n’est pas allée à l’école et elle s’est occupée toute seule de son bébé et d’elle-même. Lorsque ses parents se sont aperçus que le jeune homme fuyait ses responsabilités, ils ont ramené Edith chez eux.
Pendant qu’elle est à l’école, sa mère s’occupe de Valentin. Néanmoins, Edith continue chaque jour à se faire du souci pour la santé et l’avenir de son fils.
Mettre en garde les autres jeunes filles
J’ignorais que je pouvais tomber enceinte. À l’école, il n’y a aucun cours d’éducation sexuelle avant la cinquième secondaire. Ce n’est qu’après l’accouchement, à l'hôpital, qu’on m’a tout expliqué. Il était donc déjà beaucoup trop tard pour moi.
En Belgique, ces cours sont déjà organisés en primaire. Il n’est donc pas étonnant que peu de Béninoises soient informées en matière de sexe et sur la façon de tomber enceinte. En partageant son histoire, Edith souhaite mettre en garde les autres jeunes filles.
J’aimerais leur dire de faire attention et de ne pas avoir d’enfants trop tôt. Il faut absolument planifier les grossesses et ne surtout pas hésiter à se protéger. Quand je rencontre des filles qui ont vécu la même expérience, je les encourage à raconter leur histoire à leurs jeunes frères et sœurs pour éviter qu’il leur arrive la même chose.
Malgré son nouveau rôle de maman, Edith souhaite continuer à aider les autres, ce qui est tout à son honneur. Alors que je raconte son histoire, je dois souvent essuyer mes larmes. J’aimerais pouvoir faire quelque chose pour elle. Cet article est déjà un début.
Depuis sa naissance, Valentin n’a encore jamais été ausculté à l’hôpital. Edith ne travaille pas. Un examen médical coûte presque deux tiers du salaire mensuel de ses parents.
Oser dire ‘non’!
Edith ne voit plus le père de Valentin. Son nouveau compagnon, Mathieu, est infidèle. Elle sait qu’elle ne restera pas toute sa vie avec lui. La jeune maman me demande des conseils pour ne plus tomber enceinte. Il me faut un moment pour me remettre. Cela me semble être une grande responsabilité, même si c’est pour moi une évidence. La jeune fille me demande conseil pour ne plus faire la même "erreur". Je lui explique calmement que, si elle a recours à un moyen contraceptif, elle doit l'utiliser à chaque fois. Pas une ou deux fois, mais systématiquement. Et j'ajoute:
N’aie jamais peur de dire ‘non’ à un garçon, de lui dire que tu veux encore attendre avant d’avoir des rapports.
J’espère qu’elle osera quand même. Je sais que c’est une fille forte vu la façon dont elle s’occupe de Valentin à un si jeune âge… J’éprouve beaucoup de respect et d’admiration pour elle. Et encore plus depuis qu’elle m’a raconté ceci:
Quand Valentin sera plus grand, je lui dirai tout. Même le fait que j’ai hésité à le mettre au monde. Mais je vais prendre soin de lui et l’encourager afin qu’il puisse réaliser tout ce qu’il désire..
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